Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soif du meurtre, cet acharnement horrible, cette odeur suffocante des cent mille cadavres, la stupide horreur de cet égorgement[1].

Peu après la publication des Poésies Barbares, qui se fait le 22 mars 1862, Leconte de Lisle publie, le 30 juin, dans la Revue Contemporaine, le célèbre sonnet les Montreurs. Il y répond à des railleries qui viennent d’accueillir son recueil.

Poésie sans émotion, a-t-on dit. Poésie qui prétend nous intéresser à des gens et à des choses qui sont trop loin de nous. Poésie qui se qualifie avec raison de barbare.

Le vrai barbare, c’est toi, dit le poète au public. C’est toi qui plus que mon tigre est carnassier, quand tu exiges que l’écrivain promène sur un pavé cynique son cœur ensanglanté. Le barbare, c’est toi, plèbe à l’œil hébété, au rire sot, à la pitié grossière. Et barbare est le poète qui accepte de livrer sa vie aux huées d’une plèbe pareille, de danser sur un tréteau banal avec les histrions et les prostituées.

Leconte de Lisle s’est-il souvenu ici des Vœux stériles, comme le pense M. Pierre Moreau[2] ? C’est

  1. Le Soir d’une bataille a été publié le 15 janvier 1860 dans la Revue Contemporaine. Sur l’intérêt de ce poème, voir Flottes, p. 144.
  2. Le Classicisme des romantiques, Paris, Plon, 1932, p. 216.