Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/173

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Le sable rouge est comme une mer sans limite,
Et qui flambe, muette, affaissée en son lit[1].


Disciple excellent d’André Chénier[2], il connaît toutes les ressources des adjectifs, de leur sens, de leur place, des associations où il les fait entrer, de leur opposition :


La nuit était d’or pâle, et, d’un ciel doux et frais,
Sur les jaunes bambous, sur les rosiers épais,
Sur la mousse gonflée et les safrans sauvages,
D’étroits rayons filtraient à travers les feuillages…
La brume bleue errait aux pentes des ravines,
Et de leurs becs pourprés lissant leurs ailes fines,
Les blonds sénégalis dans les girofliers
D’une eau pure trempés s’éveillaient par milliers[3].


C’est un bon architecte. Chacune de ses strophes apporte un ensemble :


La lune, qui s’allume entre des vapeurs blanches,
Sur la vase d’un fleuve aux sourds bouillonnements,
Froide et dure, à travers l’épais réseau des branches,
Fait refaire le dos rugueux des caïmans[4].


Son tableau est construit solidement. Des éléphants, de la panthère, il décrit seulement ce que des spectateurs transportés par son imagination au centre du

  1. Les Éléphants.
  2. Cornelis Kramer, André Chénier et la Poésie parnassienne, thèse de Groningue, 1925.
  3. L’Aurore.
  4. Le Jaguar, strophe III.