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LES POÈMES BARBARES

de Lisle voulait opposer les Poèmes Barbares aux Poèmes Antiques.

Mme de Staël et d’autres apôtres du romantisme avaient opposé l’ère moderne à l’ère antique. L’ère antique, disaient-ils, est close. Toute littérature qui désormais s’inspirera d’elle sera morte en naissant. Modernes, ayons une littérature qui soit de notre ère, et celle-ci commence avec le christianisme.

Pour Leconte de Lisle, l’ère antique, c’est celle de la beauté et de la sagesse. Mais dans cette antiquité bienfaisante, il ne fait entrer que la Grèce et l’Inde, l’Inde des Védas et de Baghavat.

Tout le reste, antique et moderne, est barbare[1].

Barbare, pour lui, l’antiquité biblique, qui adora Yhaveh ; barbare, l’antiquité phénicienne, qui éleva sur ses autels un dieu fait comme un veau et ayant un œil au milieu du front ; barbares, malgré les grandes beautés de leurs légendes, les antiquités Scandinave, finnoise et kimrique.

Tout ce qui a suivi la mort de la Grèce, de Rome, de l’Inde védique a été plus barbare encore : en Occident, l’invasion du christianisme chez les peuples du nord, plus tard la croisade des Albigeois, les scandales de la Chrétienté du XVe siècle partagée entre trois papes et de la France ayant pour reine une Isabeau ; en Orient, l’Inde des Védas, l’Inde des brahmanes, l’Inde de

  1. C’est ce qu’a bien vu M. Martino, Parnasse et Symbolisme, 1925 (Collection A. Colin).