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LES POÈMES BARBARES

était venu où la Société devait prendre un parti pour sa reconstruction[1]. Avec eux, il s’était insurgé, après Fourier, contre l’ordre civilisé, « qui accorde sa haute protection aux agents de famine et de peste, chérit les agioteurs, encourage toute espèce d’invention qui peut étendre les ravages de la guerre ». Lui-même avait travaillé à hâter la révolution nécessaire en publiant des vers dans la Phalange et de la prose dans la Démocratie pacifique. La proclamation de la République en 1848 avait semblé apporter aux réformateurs la certitude qu’ils allaient promptement réaliser leurs rêves. Mais les élections à l’Assemblée n’avaient pas tardé à ébranler leurs espérances. Leconte de Lisle, lui, avait même perdu presque toutes les siennes, refusant de croire au génie de Blanqui et de Barbès[2]. Ce qui lui restait encore de ces rêves, la proclamation de l’Empire vient le détruire, ou l’endort pour de longues années.

Elle lui laisse au cœur la haine, moins du maître lui-même que de la société bourgeoise, qu’il accuse de s’être asservie pour sauver sa bourse, et plus encore la haine de l’Église, à laquelle il reproche de s’être alliée à un régime autoritaire. Comme son ami Louis Ménard, il confond dans la même aversion monarchie absolue et catholicisme, parce qu’il les croit nécessairement associés.

Sa haine contre un ordre social qu’il voit consolidé

  1. Voir Flottes, p. 43.
  2. Voir G. Deschamps, La Vie et les Livres, 2e série, p. 195-196.