Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/33

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non sur des litières, mais sur des graviers. Pourquoi donc ces hommes et ces bêtes sont-ils ce soir dans l’oasis ? Parce que la nécessité de conquérir la nourriture quotidienne a fait d’eux des ambulants.

Mais, qu’ils aient, eux aussi, la vie dure, le lion, certes, n’en a cure. Ses propres souffrances lui suffisent. Il apparaît sous une roche concave. Elle est pleine d’os qui luisent, qui luisent parce qu’ils ont été dépouillés de toute chair par les dents d’une famille affamée. Le chef aiguise ses ongles contre l’âpre granit. Il arque ses reins dont la souplesse va lui être nécessaire. Levé, il s’avance au dehors d’un pas mélancolique, du pas d’un être condamné à une chasse perpétuelle et souvent inefficace. Il aspire l’air du soir sur le seuil de cet antre que le poète qualifie avec raison de famélique. Alors, le ventre palpitant et les cheveux hérissés par la faim, le roi du Sennaar plonge dans l’ombre en quelques bonds nerveux.

Le poète, qui n’aime pas le mélodrame, ne suit pas le lion jusqu’au lieu du carnage. Il lui suffit de reconnaître que la chair des bœufs et des bouviers appartient au roi du Sennaar. Ainsi le veut la loi qui exige de lui comme des bouviers qu’il mange et qu’il nourrisse sa famille.

Flaubert, après avoir lu l’Oasis, dut être content. Cette fois, le plan secondaire ne se mêle pas au principal pour l’embarrasser. Le décor entoure le héros, il l’explique. Chaque élément du tableau a l’ampleur