Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/41

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portait en France[1]. Il avait conservé dans sa mémoire leur maigreur, leurs museaux allongés, leurs vertèbres saillantes, leurs ventres agités d’un frisson, leurs dents claquant sur les babines, leurs hurlements douloureux. S’il dédia le poème à Jacquemart, sculpteur animalier[2], c’est qu’il lui avait sans doute soumis sa peinture et avait obtenu une approbation enthousiaste.

Autour des chiens affamés, le poète décrit le décor sinistre de leur misérable existence. Au-dessus d’eux, une lune pâle, monde muet, débris d’un globe mort. Au nord, le sable brûlant où l’Afrique affame les lions. Au sud, les glaces de l’océan polaire. Partout une nature méchante. Partout la souffrance.

Si donc les chiens hurlent, ce n’est pas seulement de faim. C’est qu’une angoisse les torture. Laquelle ? Le poète ne sait. Sans doute celle qui le fait gémir lui-même, qui leur ressemble : la douleur d’être dans un monde hostile, et sans comprendre pourquoi.

Leconte de Lisle dans son recueil définitif a groupé ensemble ses poèmes animaliers. Il a placé les Éléphants non loin des Hurleur, le Condor non loin de

  1. C’est ce que dit Calmettes, p. 263. Peut-être le poète a-t-il vu ces chiens pendant une escale et au Cap, sans doute.
  2. Sa sœur avait épousé le peintre Jobbé-Duval, ami de Leconte de Lisle.