Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/44

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Barbare, le pays ! La neige y est chassée en tourbillons du Pôle solitaire, le vent y secoue les pins, la pluie aux grains de fer y flagelle et fait hurler les loups. Mais ce paysage, qu’il connaît un peu par les hivers bretons, ne fait pas horreur à Leconte de Lisle : car il aime la nature dans toutes ses violences, là où elle commet des excès de brume comme là où elle commet dès excès de lumière, là où elle glace les corps comme là où elle les brûle. Aussi avec quel art le peintre de l’implacable soleil devient-il celui des attentats de la houle et du vent ! Avec quelle admiration, on peut dire avec quel amour, il loue ce pays sauvage par la bouche du dieu qui se vante de l’avoir créé !


Ô neiges, qui tombez du ciel inépuisable,
Houles des hautes mers, qui blanchissez le sable,
Vents qui tourbillonnez sur les caps, dans les bois,
Et qui multipliez en lamentables voix,
Par delà l’horizon des steppes infinies,
Le retentissement des mornes harmonies ![1]


Barbares, les mœurs suscitées et entretenues par de tels paysages ! Barbares, les pirateries qui font aimer aux rois de la haute mer le choc des nefs contre les flots lourds et la grêle meurtrissant les faces intrépides ! Barbares, les chasses à l’ours, au loup et au

  1. Sur le rôle que joue la mer dans le Runoïa, et d’ailleurs dans les Poèmes Barbares, voir la très intéressante étude de Jay-K. Ditchy, Le Thème de la mer chez les Parnassiens, Paris, Belles-Lettres, 1927.