Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/46

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barise encore ces barbares, et ce surcroît de barbarie achève de les lui rendre sympathiques.

Barbare, la mythologie ! Cependant, ce que le dieu national des Finnois a de plus barbare, c’est son nom ! Wäinämöinen. Leconte de Lisle, qui n’a pas hésité à conserver leur physionomie aux noms des dieux et des héros helléniques, a cette fois pensé avec Boileau que tous les noms du Nord ne sont pas faits pour les vers français. Le frère du grand dieu finnois a gardé son nom : Ilmarinenn ; le dieu a perdu le sien, pour conserver seulement son titre d’auteur ou d’inspirateur de runes, c’est-à-dire de chants, son titre de Runoïa. Ce dieu ne pouvait que plaire à Leconte de Lisle : car c’est un Esculape dont la sueur guérit tous les maux, un Prométhée qui nous a donné le feu, un Orphée qui fait pleurer les bêtes. Et ses prêtres sont des poètes.

Mais à la sympathie de Leconte de Lisle le grand titre du Runoïa fut sa résistance à son successeur.

La préface de Léouzon Le Duc lui apprit que le christianisme s’introduisit en Finlande seulement vers le milieu du XIIe siècle, et par la violence ; qu’elle perdit son dieu national en perdant son indépendance après un siècle de luttes ; qu’elle fut catholique peu de temps, puisqu’elle adopta dès son origine la réforme de Luther. La même préface lui apprit que le conflit des deux religions avait fait sur les imaginations populaires une longue impression et suscité de nombreuses légendes.