Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/76

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pouvait le faire. Dans les deux pays, la mer creuse profondément les rivages au pied de montagnes hautes et dentelées. Dans les deux, beaucoup de lumière, une chaleur modérée, des oliviers, des orangers, des palmiers, des abeilles et des oiseaux, la vie pastorale, point de fauves. C’était beaucoup aussi d’après l’île Bourbon que s’était faite son idée de la Grèce antique. Qu’était, en effet, pour lui ce pays privilégié ? Un Éden, une terre aromatique, lumineuse, chaude, bien arrosée, qui produisait des hommes beaux, sains, robustes, bons et aimants. Mais cet Éden, le poète, à bien des égards, l’avait trouvé dans son île, demeurée longtemps primitive, peu habitée, où la vie était abondante et facile, la population belle et saine, les mœurs douces, sauf quand les blancs maltraitaient les noirs. « N’est-ce pas un paradis ? » dit Marcie, l’héroïne d’une de ses nouvelles. Ce paradis qu’était encore l’île Bourbon au temps de sa jeunesse, Leconte de Lisle se figura que la Grèce antique l’avait été.

Ainsi il avait transporté l’île natale, simplifiée d’ailleurs et embellie, dans les poèmes grecs du premier recueil.

Et parfois aussi on pouvait en apercevoir l’image dans les poèmes indous du même recueil. Par exemple qu’est-ce que Valmiki découvre à ses pieds en s’élevant sur la montagne où il attendra la mort ? N’est-ce pas, agrandi, le paysage que le poète voyait se dérouler devant lui quand il escaladait les monts qui s’élevaient derrière la maison paternelle ?