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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/146

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Près des fils de Giuki, Sigurd était semblable à une noble plante qui s’élève au-dessus des herbes, à un cerf superbe parmi des lièvres, ou à de l’or aux rouges reflets, à côté de l’argent à la couleur grisâtre.

Ainsi fut-il jusqu’à ce que mes frères devinssent jaloux de mon époux, le premier des guerriers. Ils ne pouvaient ni se reposer, ni juger les contestations avant qu’ils eussent tué Sigurd.

J’entendis résonner les sabots de Grani qui revenait ; mais je ne vis pas Sigurd lui-même. Tous les chevaux avaient le flanc ensanglanté par l’éperon ; poussés par les assassins, ils étaient blanchis d’écume.

L’âme affligée, j’allai parler à Grani, et, les joues humides de pleurs, j’interrogeai le cheval. Grani courba la tête jusqu’à terre : il savait bien que son maître était mort.

J’hésitai longtemps ; mon cœur faiblit avant de demander au chef des peuples où était Sigurd.

Gunnar baissa la tête ; mais Högni me dit, au sujet de la mort de Sigurd : « Il git assassiné de l’autre côté du fleuve. Celui qui a tué Guttorm est en proie aux loups.

« On peut voir le corps de Sigurd sur le chemin du sud. On y entend crier les corbeaux, les faucons joyeux battent de l’aile et les loups hurlent à l’entour du héros. »

— « Comment, ô Högni, as-tu pu m’apprendre à moi, malheureuse, une si triste nouvelle ? Personne ne te recevra, et les corbeaux te dévoreront le cœur sur une terre lointaine. »


C’est la page qu’on vient de lire qui, librement traduite, forme dans le poème de Leconte de Lisle la plainte de Gudruna :


Quand vierge, jeune et belle, à lui, beau, jeune et brave.
Le col, le sein parés d’argent neuf et d’or fin,
Je fus donnée, ô ciel ! ce fut un jour sans fin,
Et je dis en mon cœur : Fortune, je te brave.