atroces et des infortunes lamentables ; plus d’humanité
chez le maître d’Herborga, plus de pitié chez les compagnes de Gudrun, qui ne content plus leurs malheurs,
comme elles font dans le poème de l’Edda, pour adoucir
son chagrin : n’est-ce pas là un excès de barbarie ? En
revanche, on ne peut nier, non seulement qu’il y ait dans
beaucoup de vers une couleur intense, mais que chacune
des existences racontées ait permis au poète de nous présenter une des faces de la vie des jarls scandinaves : dans
les plaintes d’Herborga il a su résumer leurs guerres ; dans
celles d’Ullranda leurs courses sur mer, dans celles de
Gudruna et de Brunild leurs rivalités de famille, les jalousies et les atroces vengeances de leurs femmes. Et s’il a fait
de toutes ses héroïnes des reines, des reines appartenant à
des nations différentes, c’est parce que rien n’est fréquent,
dans cette primitive histoire des Scandinaves, comme les
expéditions de tribus contre tribus, se terminant par la
conquête de la fille ou de la femme du chef vaincu. Encore
qu’il ait eu tort d’éteindre toute pitié dans le cœur de ses
personnages, il a donc réussi à condenser toute une époque
dans ce court poème.
Le chant mythologique le plus important de l’ancienne Edda est celui qui est intitulé la Voluspa, c’est-à-dire la prédiction de la devineresse. Devant les dieux réunis une
- ↑ Poèmes barbares, VIII.