Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 6.djvu/126

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vilain qui soufloit le feu en une charboniere. Cil vilains estoit granz et gros et de merveilleuse estature. Une grant cognie tenoit seur son col ; si ert merveilleusement d’orrible regardeure, laiz et noirs, car il estoit touz soulliez de la porre et dou faisil[1] dou charbon.

Quant Phelippes, li enfes, aperçut ce vilain, il conçut une legiere paor ; mais toutevoies la seurmonta par hardiece de cuer. Dou vilain s’aprocha et le salua moult debonairement. Et quant li vilains sot qui il estoit, et pourquoi il venoit, il lessa ce que il fesoit et ramena son seigneur par une adrece[2] à Compiegne. De la paor et dou travail que il ot en cele jornée, li prist une maladie moult grief, et par cele raison, tarja ses coronemenz jusques à la feste de Touz Sainz. Mais Nostre Sires Jhesu Criz, qui ainques ne deguerpist ceus qui en lui ont esperance, li dona santé par les oresons et par les merites son pere[3], qui par jor et par nuit prioit à Nostre Seigneur que il li donast santé, et par les oresons de sainte Eglise qui vers Dieu en estoit en grant devotion.

  1. Faisil. Paulin Paris (Grandes Chroniques, t. IV, p. 5, note 1), voulant corriger Dom Brial, qui « explique ce mot par celui de poussier », pense « que faisil est synonyme de faix, charge de charbon ». C’est au contraire P. Paris qui se trompe, et faisil désigne bien les résidus, les saletés du charbon ; latin : « carbonum nigredine ».
  2. Par une adrece, par un chemin de traverse.
  3. Louis VII aurait fait aussi un pèlerinage au tombeau de saint Thomas Becket à Cantorbery ; débarqué à Douvres le 22 août, il y aurait été de retour le 25 (Benoît de Peterborough, Vita Henrici II Angliae regis, dans Rec. des hist. des Gaules et de la France, t. XIII, p. 180. Cf. Rigord, éd. H.-F. Delaborde, p. 12, note 1, et A. Cartellieri, Philipp II August, t. I, p. 33).