Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/303

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Que pour me troubler et me nuire,
Cachera son mauvais aspect,
Et son influence inhumaine
N’a pas eu pour moi tant de haine
Qu’elle aura pour toi de respect.

Mes affections exaucées
En l’ardeur d’un si beau projet,
Recouvreront pour ton sujet
La liberté de mes pensées.
Mes ennuis seront écartés,
Et mon âme aura des clartés
Si propices à tes louanges,
Que le Ciel s’il n’en est jaloux,
Ayant trouvé mes vers si doux,
Il les fera redire aux anges.

Je sens une chaleur d’esprit
Qui vient persuader ma plume
De tracer le plus grand volume
Que Français ait jamais écrit.
Tout plein de zèle et de courage,
Je m’embarque à ce grand ouvrage ;
Je sais l’Antarctique et le Nord,
J’entends la carte et les étoiles,
Et ne fais point enfler mes voiles
Avant qu’être assuré du port.

Par les rochers et dans l’orage
De l’onde où je me suis commis,
Je prépare à mes ennemis
L’espérance de mon naufrage ;
Mais, que les astres irrités
De toutes leurs adversités
Persécutent mon entreprise,
Je ne connais point de malheur
Qu’au seul renom de ta valeur
Je ne vainque ou je ne me méprise.