Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/329

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Qui void vostre divin visage
N’est plus capable de parler ;
Vos yeux gouvernent les pensées
Des ames les plus insensées
Et les bornent de toutes parts,
Et la plus aigre medisance
N’est qu’honneur et que complaisance
Aux attraicts de vos doux regards.

     Moy, qui suis devenu perfide
Contre les Dieux que j’adorois,
Et dont l’ame n’a plus de guide
Si non l’empire de vos loix,
Je vous crois parfaicte et divine,
Et mon jugement s’imagine
Que les faits des plus odieux,
Lorsque vous leur donnez licence,
Sont plus justes que l’innocence
Et que la saincteté des Dieux.

     Mais, quand des ames indiscrettes
S’amuseroient à discourir
De nos flammes les plus secrettes,
Elles ne doivent pas mourir.
Ô Dieux ! qui fistes les abysmes
Pour la punition des crimes,
Je renonce à vostre pitié
Et vous appelle à mon supplice,
Si jamais mon ame est complice
De la fin de nostre amitié.

     Chere Cloris, je vous conjure
Par les nœuds dont vous m’arrestez,
Ne vous troublez point de l’injure,
Des faux bruits que vous redoutez ;
Comme vous j’en ay des atteintes,
Et mille violentes craintes

     Me persecutent nuict et jour.