Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/367

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Aucun amant portast le mirthe et le rosier.
Mais ce Dieu, pour t’oster tout subject de te plaindre,
La voulut avec toy de mesmes nœuds estraindre,
De mutuelle ardeur son esprit enflamma
Et rangea son humeur au poinct qu’elle t’ayma.
D’un semblable désir vous taschiez à vous plaire ;
Ce que l’un desseignoit, l’autre le vouloit faire ;
Vous lisiez dans vos fronts ce que vos cœurs disoient,
Et de mesmes propos vos âmes devisoient.
Alors qu’impatient en ta flamme excessive.
Tu blasmois le refus de son amour craintive,
Son cœur plus que le tien de martyre souffroit,
Te refusant du corps ce que l’ame t’offroit ;
Ta qualité de marque, aucunement estrange,
A son sang populaire et tiré de la fange
Nyoit à son espoir les bien heureux accords
Qui joignent sous l’hymen deux esprits et deux corps ;
Et ce tiltre d’espoux, honteux aux ames fortes.
Que par despit du Ciel et de l’amour tu portes,
Duysoit mal à ton aage, et, pour vous allier,
Il eust fallu la terre au Ciel apparier.
Quelquesfois en riant tu m’as compté la feste
Que pour vostre nopçage on pensoit toute preste,
Lorsque sa parenté ridicule esperoit
Qu’un accord entre vous ferme demeureroit.
Elle, qui seulement d’Amour fut incensée.
Ne s’entretint jamais de si folle pensée.
Mais contre le destin avec toy se plaignoit
Qu’à vos désirs esgaux le rang ne se joignoit.
Il est vray qu’en l’effort de ceste rage extreme ;
Tu pouvois oublier et ta race et toy-mesme,
Et l’amant qui, troublé de tel empeschement,
Se destourne d’aymer, ayme trop laschement.
Mais tu sçavois qu’amour meurt en la jouissance,