Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/372

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Mais ta douce nature, et ton cœur seulement,
De ces contagions n’est touché nullement.
Tu revins tout courtois, si bien qu’en apparence
Tu n’avois point passé les rivages de France.
Entre tes qualitez, ceste douceur d’esprit
Qui si facilement par l’oreille me prit
Oblige plus que tout ; un grand qui s’humilie
Faict un joug fort aisé dont le plus fier se lie ;
Il ne faut qu’un sousris, il ne te faut qu’un mot,
Afin d’ensorceller et le sage et le sot.
Ceux-là de leur grandeur, comme je pense, abusent.
Qui leur salut au moindre insollemment refusent.
Dans une vanité qui les tient tous contrains,
Ne voyans ce qu’ils sont qu’en l’esclat de leurs trains,
Se trouvent estonnez, perdans leur bonne mine,
Si leur suitte ordinaire avec eux ne chemine ;
Pour monstrer leur pouvoir, d’un accent irrité,
Parlent à leurs suyvans avec authorité.
Il est bien raisonnable icy que je te die
Que ton esprit bien sain n’a point leur maladie :
L’astre qui te fit naistre evita ce mal-heur,
Et suivit un destin bien differend du leur.
Ne crois point que je mente à dessein de te plaire :
C’est ce que je n’ay point accoustumé de faire.
Je fais le plus souvent mes discours trop hardis,
Et pource qu’on me croit on hayt ce que je dis :
Bienheureux aujourd’huy que, te voulant depeindre,
Je ne suis obligé de faillir ni de feindre !
Pour toy seul mon humeur, qui suit la verité,
Trouve de l’advantage en sa severité.
Une juste amitié m’excite le courage
D’une incroyable ardeur à ce dernier ouvrage ;
Mon esprit glorieux s’attache à cet object,
Et tire vanité d’un si rare subject.
Ta vertu me ravit et fait que mon poëme,