Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/382

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Qu’une fortune est d’or et que l’autre est de cuivre ;
Que le sort a des loix qu’on ne sçauroit forcer ;
Que son compas est droict, qu’on ne le peut fausser.
Nous venons tous du ciel pour posséder la terre,
La faveur s’ouvre aux uns, aux autres se resserre:
Une nécessité, que le ciel establit,
Deshonore les uns, les autres anoblit ;
Un ignoble souvent de riches biens hérite,
L’autre dans l’hospital est tout plein de mérite.
Pour trouver le meilleur, il faudroit bien choisir ;
Ne crois point que les Dieux soient si pleins de loisir.
Encor si chaque infâme estoit marqué d’un signe
Qui de toutes vertus le fit trouver indigne.
Les roys qui soubs les dieux disposent du bonheur,
Enrichiroient tousjours le mérite et l’honneur.
Que si l’ame des dieux est la mesme justice,
Qu’elle ayme la vertu, qu’elle abhorre le vice[1],
Les roys, qui sont leurs fils et lieutenans icy,
Peuvent juger des bons et des mauvais aussi ;
Et, sans flater mon roy, je trouve bien estrange
Qu’un vulgaire ignorant et tiré de la fange
Contre sa majesté se monstre injurieux,
Dessus ses actions portant l’œil curieux.
Quant à moy, je repute une faveur bien mise
Envers le plus chetif que le roy favorise ;
Quoy que tousjours bien pauvre et tousjours dédaigné,
Sur mon esprit l’envie encor n’a rien gaigné.
Qu’un homme de trois jours de soye et d’or se couvre,
Du bruit de sa carrosse importune le Louvre;
Qu’un estranger heureux se mocque des François,
Qu’il ait mille suivans, pourveu que je n’en sois[2],

  1. La Parnasse satyrique (éd. de 1625) donne aussi ce vers :
    Si ce qui leur desplaist porte le nom de vice.
  2. La Parnasse satyrique ajoute :
    Et qu’on ne marche point pour un honteux salaire.