Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/405

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Les objets les plus beaux pour moy sont pleins d’effroy,
Et du plus doux accueil que me fasse le roy
Mon esprit insensé croit souffrir un outrage.

Ton injuste mespris m’a faict ceste douleur.
Depuis, incessamment je resve à mon malheur,
Et rien plus que la mort ne me peut faire envie :

Voy donc si mon mal-heur s’obstine à me punir.
Je pense que la mort refuse de venir,
Pource qu’elle n’est point si triste que ma vie.



SONNET.


Qui que tu sois, bien grand et bien heureux,
sans doute,
Puis que Deheins en parle et qu’il t’estime tant,
Voy la troupe des Sœurs qui se dispose toute
A courre avecques toy sur l’empire flotant.

Thetis ne frappera ta nef qu’en la flattant,
Tu choisiras les vents, et la celeste voute
De tous ces feux joyeux, sur ton chef esclattant,
Caressera tes yeux et guidera ta route.

Quelque terre incognue où tu viendras à bord,
Tes vers cognus partout seront ton passeport.
Mais non ! ne les prends pas avecque toy dans l’onde :

Le soleil, qui ne vid jamais rien de si beau,
Enchanté, parmy nous, s’amuseroit dans l’eau
Et d’une longue nuict aveugleroit le monde.