Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/417

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Leur audace a vaincu ma nature elle sort:
Car ma vertu, qui n’est que pour donner la vie,
Est aujourd’huy forcée à leur donner la mort.
J’affranchis mes autels de ces fascheux obstacles,
Et foulant ces brigands que mes traicts vont punir,
Chacun d’oresnavant viendra vers mes oracles
Et préviendra le mal qui luy peut advenir.
C’est moy qui, pénétrant la dureté des arbres,
Arrache de leur cœur une sçavante voix,
Qui fais taire les vents, qui fais parler les marbres,
Et qui trace au destin la conduicte des roys.
C’est moy dont la chaleur donne la vie aux roses.
Et fait ressusciter les fruicts ensevelis ;
Je donne la durée et la couleur aux choses,
Et fais vivre l’éclat de la blancheur des lys.
Si peu que je m’absente, un manteau de ténèbres
Tient d’une froide horreur ciel et terre couvers ;
Les vergers les plus beaux sont des objects funèbres,
Et, quand mon œil est clos, tout meurt en l’univers.


BALET.


VENUS AUX REYNES.


Lorsque je sortis de la mer
Moins couverte d’eau que de flâmes,
La beauté qui me fait aymer
Me destina reyne des ames,
Et me dit que je cederois
A vos yeux, qu’elle a fait mes roys.
Le Soleil, monstrant son flambeau
Par Cythere et par Amathonte,
Lors qu’il eust veu le mien si beau,
Il faillit à mourir de honte ;