Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/420

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LES PRINCES DE CYPRE.


Les lieux que nous avons laissez
Sont beaucoup plus heureux qu’autres lieux de la terre ;
Le desgoust de la paix ni la peur de la guerre
Jamais ne les a menacez.
Mars, arrivant à la contrée
Que nostre esloignement convertit en desers,
Hait le fer et la flame, et veut que les baisers
Fassent l’honneur de son entrée.
Cypre ne se peut estimer ;
Ses rivages féconds que Neptune environne
Sont, au milieu des flots, la plus belle couronne
Que porte le roy de la mer.
Cupidon y est sans malice :
Les plus grandes beautez ont le plus d’amitié ;
Là jamais un esprit qui manque de pitié
Ne sçauroit manquer de supplice.
Ler plaisirs y sont en vigueur ;
La loy de l’hymenée, aux désirs asservie,
Dans le contentement de nostre douce vie
Ne mesla jamais sa rigueur.
Comme les Dieux en leur empire.
De tout ce qui nous plaist nous nous rendons espris ;
Et pour une beauté qui n’a que du mespris
Jamais nostre ame ne souspire.
Ce qu’Amour faict dessous les eaux
Est une loy pour nous que le Ciel mesme ordonne,
Accordant à nos feux la liberté qu’il donne
A l’innocence des oyseaux.