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Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 2.djvu/43

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Quand pour l’amour de luy le prince des enfers
Laissa vivre Euridice et la tira des fers ;
Ou, si c’est trop d’avoir ces merveilleux génies,
Qu’à nostre siècle infâme à bon droit tu dénies,
Je me contenterois d’esgaler en mon art
La douceur de Malherbe ou l’ardeur de Ronsart,
Et mille autres encore à qui je fais hommage,
Et de qui je ne suis que l’ombre et que l’image.
Je donnerois ma plume à ces soins violans,
A peindre ces sanglots et ces désirs bruslans.
Que depuis peu de jours quelque démon allume
Dans mon sang, où l’amour se plaist et me consume.
Si mes vers retenoient encore la ferveur
Qui les fit autrefois naistre pour la faveur.
Et tant d’écrits perdus, que pour chanter leur flame,
Mille de mes amis m’ont arraché de l’ame
Cloris, qui te sçais si bien faire adorer,
Qui l’ame par les yeux m’as peu si bien tirer,
Beauté que désormais je nommeray mon ange.
Je le consacrerois sans doute à ta louange ;
J’ay si peur que ma Muse ait perdu ses appas
A flater vainement ceux que je n’aime pas.
Que ma plus belle ardeur aujourd’huy se retire,
M’estant si nécessaire à ce nouveau martire.
Et qu’au meilleur besoin, mes esprits finissans
Ne me fournissent plus que des vers languissans.
Mon esprit, espuisé dans des travaux funestes.
N’aura pour ton subject rien gardé que des restes.
Cloris, je le confesse, et qu’en ce beau dessein
Mon ardeur s’amortit en mon timide sein ;
Mais le feu de l’amour, qui s’est rendu le maistre
De tous mes sentimens, la peut faire renaistre,
Et sa douce fureur, par un traict de tes yeux,
Peut rendre à mon esprit ce qu’il avoit de mieux.
Ainsi, sur cet espoir dont ta beauté me flate,