Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 2.djvu/49

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Que tout est sur la terre, et qu’une humeur féconde
Qu’attire le soleil fait rajeunir le monde,
Comme si j’avois part à la faveur des cieux,
Qui redonne l’enfance à ces bocages vieux,
Et que ce renouveau, qui rend tout agréable,
Me rendist à tes yeux plus jeune et plus aymable,
Je te veux conjurer avec des vœux discrets
De passer avec moy quelques momens secrets.
Nous irons dans des bois, sous des fueillages sombres
Où jamais le soleil n’a sceu forcer les ombres ;
Personne là dedans n’entendra nos amours :
Car je veux que les vents respectent nos discours
Et que chaque ruisseau plus vistement s’enfuye
De devant tes regards, de peur qu’il ne t’ennuye.
Maintenant que le roy s’esloigne de Paris,
Suivy de tant de gens au carnage nourris,
Qui, dans ces chauds climats, vont recueillir les restes
Du danger des combats et de celuy des pestes.
Il faut que je le suive, et Dieu, sans me punir,
Cloris, ne te sçauroit empescher d’y venir.
Si tu fais ce voyage, (et mon amour te prie
D’y ramener tes yeux, car c’est là ma patrie,
C’est où les rais du jour daignèrent dévaler
Pour faire vivre un cœur que tu devois brusler,)
Là tu verras un fonds où le paysan moissonne
Mes petits revenus sur les bords de Garonne,
Le fleuve de Garonne, où de petits ruisseaux
Au travers de mes prez vont apporter leurs eaux,
Où des saules espais leurs rameaux verds abaissent
Pleins d’ombre et de frescheur sur mes troupeaux qui paissent.
Cloris, si tu venois dans ce petit logis,
Combien qu’à te l’offrir de si loin je rougis,
Si ceste occasion permet que tu l’approches,
Tu le verras assis entre un fleuve et des roches,
Où sans doute il falloit que l’amour habitast