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Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 2.djvu/53

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La paisible fraischeur de ses ombrages noirs
Me plaist mieux aujourd’huy que le charme inutile
Des attraicts dont Amour te fait voir si fertile.
Languir incessamment après une beauté,
Et ne se rebuter d’aucune cruauté ;
Gaigner au prix du sang une foible espérance
D’un plaisir passager, qui n’est qu’en apparence ;
Se rendre l’esprit mol, le courage abatu ;
Ne mettre en aucun prix l’honneur ny la vertu,
Pour conserver son mal mettre tout en usage.
Se peindre incessamment et l’ame et le visage.
Cela tient d’un esprit où le Ciel n’a point mis
Ce que son influence inspire à ses amis.
Pour moy, que la raison esclaire en quelque sorte,
Je ne sçaurois porter une fureur si forte.
Et desjà tu peux voir, au train de cet escrit.
Comme la guarison avance en mon esprit :
Car insensiblement ma muse un peu légère
A passé dessus toy sa plume passagère.
Et, destournant mon cœur de son premier object,
Dès le commencement j’ay changé de suject,
Emporté du plaisir de voir ma veine aisée
Seurement aborder ma flame rappaisée
Et jouer à son gré sur les propos d’aimer.
Sans avoir aujourd’huy pour but que de rimer.
Et sans te demander que ton bel œil esclaire
Ces vers, où je n’ay pris aucun soin de te plaire.


STANCES.


Maintenant que Cloris a juré de me plaire
Et de m’aimer mieux que devant,
Je despite le sort, et crains moins sa colère
Que le soleil ne craint le vent.