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Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 2.djvu/57

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Et soudain de ces vœux ma raison offensée
Se desdit et me laisse aussi fol que devant.
 
Je sçay bien que la mort suit de près ma folie,
Mais je voy tant d’appas en ma mélancolie
Que mon esprit ne peut souffrir sa guerison.

Chacun à son plaisir doit gouverner son ame :
Mithridate autrefois a vescu de poison,
Les Lestrigons de sang, et moy je vis de flame.


SONNET

Chère Isis, tes beautez ont troublé la nature,
Tes yeux ont mis l’Amour dans son aveuglement,
Et les Dieux, occupez après toy seulement,
Laissent l’estât du monde errer à l’avanture.
 
Voyans dans le soleil tes regards en peinture,
Ils en sentent leur cœur touché si vivement
Que, s’ils n’estoient clouez si fort au firmament,
Ils descendroient bien tost pour voir leur créature.

Croy-moy qu’en cette humeur ils ont peu de soucy
Ou du bien ou du mal que nous faisons icy ;
Et, tandis que le Ciel endure que tu m’aimes,

Tu peux bien dans mon lict impunément coucher :
Isis, que craindrois-tu, puisque les Dieux eux-mesmes
S’estimeroient heureux de te faire pécher ?