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Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 2.djvu/77

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Et dans la servitude il fait venir l’honneur.
Parfois sa passion se tient un peu cachée,
Pour avoir le plaisir de se voir recherchée ;
Et, s’il veut consentir de se voir mal traicté.
Ce n’est que pour le bien d’estre après regretté.
Moy qui, toute la nuict offusqué de tes charmes,
Les pavots du sommeil ay distillez en larmes,
Et qui, m’imaginant d’ouyr tes doux propos,
N’ay sceu prendre en dormant tant soit peu de repos.
Je meriterois bien que toute la journée
On flatast la douleur que la nuict m’a donnée,
Et que Cloris vint faire avec un doux baiser
De ses afflictions mon ame reposer.
On dit que le soleil, sortant du sein de l’onde
Pour rendre l’exercice et la lumière au monde.
Dissipe à son resveil cette confuse erreur
De songes de la nuict qui nous faisoient horreur.
Mais, quand nous guérissons à l’aspect de sa flame.
Ces petites frayeurs ne percent point dans l’ame ;
Ce n’est qu’un peu de bile et de froide vapeur
Qui peint légèrement des visions de peur :
Car une passion bien avant imprimée
Ne s’esvanouyt pas ainsi qu’une fumée.
Et ceux qui comme moy sont travaillez d’amour
Gardent leur resverie et la nuict et le jour.
Cloris est le soleil dont la clarté puissante
Console à son regard mon ame languissante,
Escarte mes ennuys, dissipe à son abord
Le chagrin de la vie et la peur de la mort ;
Mais depuis peu de jours sa flamme est si tardive,
Pour estre comme elle est si perçante et si vive,
Que l’ingratte me laisse à petit feu mourir,
Faute d’un seul regard qui me pourroit guérir.
Donne-moy la raison d’une amitié si lente,
Cloris ; aurois-tu peur que mon ame insolente