— Nous avions fini par nous trouver presqu’au cœur de l’un des grands rameaux de la Cordillère des Andes.
Nous étions depuis plus de trois semaines dans un village, moitié espagnol moitié indien, et le pauvre paysan, moitié cultivateur et moitié trappeur, comme l’on dit au Canada, chez qui nous logions, avait épousé une indienne qui lui avait donné trois superbes moucherons, comme nous disons nous autres à la Cannebière, et la dernière enfant était une jolie petite moucheronne de deux ans qui était toujours fourrée entre nos jambes quand nous revenions dîner et que nous nous reposions ensuite en fumant non pas le calumet, mais la pipe de l’amitié.
Je me souviens que ces enfants avaient un teint cuivré et doux d’un charme inexprimable.
Un jour, comme nous rentrions tard, sur les une heure, par un soleil de plomb, pour déjeuner, après sept heures de marche dans la brousse, à la recherche de la précieuse liane ou même de simples troncs d’arbres donnant la gomme recherchée, le patron, notre hôte, moi et nos chiens, nous entendons l’hôtesse, notre brave indienne, pousser des cris déchirants. En deux bonds nous sommes devant la case et qu’est-ce que nous voyons à trente mètres au-dessus de nos têtes : un aigle énorme qui emportait dans les airs la petite dernière, Magdaléna, ma pauvre petite moucheronne favorite ; la mère se tordait les mains de désespoir :
— Ma fille, ma pauvre fille !
D’un coup d’œil rapide le père avait tout vu, tout