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    « Il n’y a que les Américains pour avoir des idées et des cercueils pareils. »

    Enfin, de son côté, la grave Gazette Maritime du 15 juillet de la même année, publiait elle-même l’information suivante :

    « Un curieux procès est intenté à la Compagnie de navigation « Atlas » par la famille de feu A.-J. Wormser, un opulent négociant de New-York, décédé récemment en mer à bord du paquebot Alleghany, de cette ligne, quarante-huit heures avant d’arriver à la Jamaïque, venant de New-York. Sa dépouille mortelle fut immergée immédiatement d’après les ordres du capitaine, contrairement à l’avis du médecin qui accompagnait le défunt et qui se faisait fort de conserver convenablement le corps jusqu’à l’arrivée au port, étant donné la quantité de glace et les produits pharmaceutiques existant à bord. La maladie n’était pas contagieuse.

    « La plupart des journaux de New-York se sont mis à discuter cette affaire avec passion, et du reste elle préoccupe beaucoup le public aux États-Unis, car elle soulève une question de principe qui inquiète nombre d’Américains qui désirent être fixés sur les droits d’un passager d’être transporté à destination mort ou vif après avoir payé sa place.

    « Certaines compagnies, « l’American Line », entre autres, préviennent les passagers qu’il y a toujours à bord de leurs paquebots des barils ad hoc et les antisceptiques nécessaires pour conserver les cadavres jusqu’à destination. D’autres compagnies sont encore plus complaisantes — ainsi la grande compagnie allemande « Hamburg American Linie » — et avertissent leurs clients qu’ils peuvent emporter leurs cercueils, comme leurs bagages, francs de port.

    « La loi américaine est muette sur la matière, mais récemment le ministère du Trésor a décidé que les cadavres conservés dans des barils devaient être admis en franchise de douane.

    « Une loi datant de 1582 et qui n’a pas été abrogée oblige, d’ailleurs, les capitaines de navires ou les consignataires à déclarer, dans les quarante-huit heures de l’arrivée et à notifier aux autorités tous les décès qui ont eu lieu en cours de voyage et à payer dix dollars pour chacun d’eux. »

    Comme on le voit ce souci de conserver sa peau après sa mort, à l’abri de la voracité physique des poissons et morale — ou immorale plutôt — des cambrioleurs, est bien devenu une obsession nationale aux États-Unis !