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en avant, queue en trompette, avec une petite houpette blanche provocatrice, et l’œil allumé ! Mais, bientôt, devant cet obstacle inattendu, il poussa des barys formidables qui firent résonner les cuivres endormis de l’orchestre de l’Opéra de la Rue Le Peletier et ses petits yeux s’injectèrent de sang.

Après une seconde d’hésitation, seul au milieu de ce boulevard désert — la foule placée loin derrière lui, la troupe et les gardes nationaux massés l’arme au bras de l’autre côté de la barricade — Alfred se mit à arracher furieusement avec sa trompe tous les arbres du boulevard et tous les becs de gaz… à l’huile, pendus à des potences le long des maisons, et à les jeter pèle-mêle sur la barricade qu’il semblait grossir d’autant. Et en un clin d’œil sur un espace de cent mètres autour de lui, le boulevard fut chauve et rasé comme le crâne de feu Siraudin.

Relevant fièrement la tête, la trompe poignardant le ciel, et barytonnant avec une telle violence que les vitres du quartier volèrent en éclat, il vit à l’entresol d’un restaurant à la mode une belle petite du temps, une biche, il fit un bond, et, allongeant sa trompe, il la saisit par la taille et la lança furieusement sur la barricade.

L’écume blanche commençait à liserer les bords de sa trompe et tout à coup une clameur horrible s’éleva du cœur de Paris tout entier, comme il a dû s’en élever seulement au déluge.

— Il est enragé ! il est enragé ! Alfred est enragé !

Et le cri se répercutait d’écho en écho, au-delà des futures fortifications, jetant la terreur dans la France entière, tandis que le télégraphe Chappe agitait par-