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Comme la première fois, lorsqu’il fut à l’eau, je le suivis avec ma barquette, lentement il traversa tout le lac, mais tout à coup, en passant devant la maison de l’éclusier, il s’arrêta, fit des bons hors de l’eau et se mit à pousser des petits cris de joie, ce qui est très rare chez les poissons, tandis qu’un perroquet qui se trouvait dans une cage devant la maison de l’éclusier se mit à battre gaiment des ailes, en criant à plusieurs reprises en russe vieux style : Coucou, ah le voila !

J’avoue que je restai stupéfait, anéanti, renversé, il ne m’avait jamais été réservé dans ma longue carrière de savant, d’assister à un pareil spectacle, il n’y avait pas de doute possible, le poisson et l’oiseau, le brochet et le perroquet se reconnaissaient !

Je fis une enquête fébrile et j’appris que l’écluse ne remontait pas à plus d’un siècle, mais qu’elle était gardée de père en fils par la même famille et que le perroquet avait été donné au premier éclusier par une pauvre famille de pêcheurs établis là depuis des siècles.

Immédiatement j’examinai le perroquet et par une étude attentive de sa langue et de ses dents je pus acquérir la conviction qu’il était né lui-même en 1460, c’est-à-dire sept ans après la chute de Constantinople !

Tout alors s’éclairait d’un jour nouveau pour moi, le brochet et le perroquet, vieux contemporains, s’étaient bien reconnus et la mémoire des oiseaux et des poissons n’était plus à mettre en doute.

Voilà, Monsieur et très honoré confrère, les résultats de mon enquête, vous en avez été l’inspirateur.