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tait au figuré et alors je n’y ai plus rien compris du tout, mais passons.

Un des joyeux convives de ce petit ambigu improvisé, se tournant brusquement vers moi me dit aimablement :

« Nous avons lu avec plaisir, vos morts étranges vraiment aussi curieuses et en tout cas plus amusantes que les morts bizarres de Richepin, mais ce que vous avez oublié ce sont les morts coloniales qui sont tout à la fois étranges et bizarres ; nous ne parlons pas bien entendu des morts bêtes produites par la peste, le choléra ou le vomito negro, mais des belles morts, savoureuses comme l’on dit aujourd’hui, qui se produisent si souvent aux pays chauds et intertropicaux, pour la joie de l’observateur qui trouve ainsi à occuper la monotonie de sa vie ou, si vous aimez mieux, à la briser — la dite monotonie.

« Et tenez dit-il, s’animant par degrés, nous sommes ici une réunion d’hommes sérieux, armateurs, colons retirés, explorateurs, anciens soldats de l’infanterie de marine : ayant tous beaucoup bourlingué à travers les mers et si vous voulez, nous pouvons, en sablant cette dernière bouteille, vous conter les morts les plus curieuses que nous avons vues de nos propres yeux aux colonies, car, attention, vous savez, mon bon, vous n’êtes pas venu ici dans une assemblée de blagueurs. »

Je fis un signe d’assentiment et il s’écria, en désignant un gros homme rouge comme une tomate et blanc de cheveux comme un cygne, une tête signée vingt ans d’Afrique, quoi : à toi Marius !