Page:Vicaire - Au pays des ajoncs, 1901.djvu/106

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Ah ! bien abandonné qui souffrirait encore !
Plus d’un tremble la fièvre et ne s’en doute pas.

Mais quel grand souffle emplit la chétive demeure ?
Le biniou prélude. Ô Dieu, la douce voix !
C’est, sous le triste ciel, la Bretagne qui pleure,
La Bretagne qui pleure et qui chante à la fois.

Nos commères pourtant ont le cœur bien à l’aise ;
Laquelle ne voudrait toucher le nouveau-né ?
Elles ouvrent des yeux grands comme une fournaise,
Se disent l’une à l’autre : « Oh ! oh ! oh ! ma iné. »

Elles sont à genoux. Leurs larmes fendent l’âme.
Toute mouillée encor, s’envole une chanson.
Faut-il pas attendrir la bonne chère dame
Et faire rire un peu le joli nourrisson ?

Déjà, grâce aux pêcheurs, frétillent sur la paille
De beaux poissons d’argent avec des reflets bleus.
Que ce homard a l’air terrible, et quelle taille !
Le turbot sans pareil, le bar miraculeux ?

Et voici qu’un lait pur écume dans les jattes.
On allume le feu : c’est pour la soupe aux choux.
Il suffit d’un instant pour griller les patates.
Vive les crêpes d’or avec le cidre doux !