Page:Vicaire - Au pays des ajoncs, 1901.djvu/36

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Le calice adorable, ils y boivent sans crainte ;
La cendre des vieux saints, ils la jettent au vent.

Et la danse reprend, nue, horrible, saurage,
Les anneaux repliés comme un serpent qui fuit.
Ce qu’a vu son œil triste a fait pleurer la nuit,
Et l’ange de Bretagne a voilé son visage.

Soudain, dans le ciel calme un éclair a couru,
Tout le palais chancelle et le tonnerre éclate.
Il passe des feux verts, une flamme écarlate :
Danseurs, danseuses, baladins ont disparu.

Près d’Ahès qui sourit et que la foudre éclaire,
Le prince est resté seul, diaboliquement beau.
— Dieu, dit-il, nous devait ce merveilleux flambeau.
Ne m’entends-je pas bien à le mettre en colère ?

Ô douce de mon âme, ô toi qui me rends fou,
J’ai grand désir de voir la clef de vos écluses !
Tu l’as sûrement. — Las ! mon amour, tu t’abuses.
C’est le vieillard Gralon qui le porte à son cou.

En sa chambre de moine, à cette heure, il repose.
Comment faire ? — Vraiment, trembles-tu pour si peu ?
Et dans les yeux d’Ahès il met ses yeux de feu ;
Il baise sa main blanche et ses lèvres de rose.