Page:Vicaire - Au pays des ajoncs, 1901.djvu/39

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Il réchauffe son corps glacé, sans un reproche.
Puisque ses vieilles mains ont pu la soulever,
Il n’a plus qu’un désir et c’est de la sauver.
La mer surgit, la mer grandit, la mer approche.

Elle baigne déjà le pied blanc des chevaux,
Elle hurle à la mort et réclame sa proie.
Et le père, plein d’une amère et triste joie,
Berce l’enfant aux yeux de pervenche, au cœur faux.

Les chevaux sont dans l’eau, la crinière éperdue.
Ils sentent sur leur cou glisser un souffle froid
Qui hérisse leurs poils et les glace d’effroi.
Ils hennissent lugubrement dans l’étendue.

Et la mer monte encor d’un furieux galop.
Elle vient de toucher les fuyards à l’épaule.
C’est la fin. Guennolé prend son bâton de saule
Se signe, et frappe Ahès qui roule au premier flot.

D’un brusque mouvement toute la mer recule.
Elle écrase Kéris de son linceul croulant.
À l’horizon des bois se lève un jour sanglant,
Et cette aurore a des reflets de crépuscule.

Gralon chevauche près du saint, l’œil égaré.
Ses mains tremblent de peur et sa vieille âme souffre.