Page:Vicaire - L’Heure enchantée, 1890.djvu/88

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Et le maître, au doux front couronné de jasmin,
Le maître n’est plus là pour leur tendre la main.
On dit que leurs regards souilleraient l’innocence,
Que le diable autrefois leur a donné naissance,
Près de la mer qui brille, au pays des ajoncs,
Et tous les gens d’ici les nomment Sauvageons.

Tant que le dur soleil illumine la terre,
Elles restent ainsi dans ce bois solitaire,
Le front dans les genoux, n’osant même parler,
Comme la mère en deuil qu’on ne peut consoler.
Mais quand la nuit aux calmes yeux, la nuit clémente,
Sur les collines d’or jette un pan de sa mante
Et berce doucement l’univers endormi,
À cette heure où déjà se mêlent à demi
La rivière et les bois, les prés et les fontaines,
Dans cette paix auguste où des formes lointaines
Semblent en s’effleurant échanger un secret,
Quelle sérénité tombe de la forêt !
Comme elle se fait douce et tendre et maternelle !
Est-ce l’esprit des morts qui ressuscite en elle ?
A-t-elle reconnu celui qui doit venir ?
On dirait un tombeau qui garde un souvenir,
Et les trois vieilles sœurs savent bien la comprendre.
Elle aime à les revoir, se plais à les entendre.
Son rêve est immuable et beau comme le leur.

Frôlant une broussaille, effeuillant une fleur,
Elles vont, elles vont, pauvres petites fées.
Le vent court à travers leurs robes dégrafées