Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

insurgées six mois avant les autres, elles avaient été désarmées. On avait tué les plus hardis, forcé les autres à se cacher au loin, et les paysans étaient si surveillés, qu’ils ne pouvaient se réunir et prendre un parti. Mais quel fut notre désespoir en apprenant, le lendemain, que le district et la troupe étaient de retour à Bressuire, ayant su dans la nuit que les rebelles avaient été battus et s’éloignaient de Bressuire au lieu de s’en approcher ! Nous ne doutions plus de notre perte. Mais quel parti prendre ? M. de Lescure était depuis quatre ans commandant de la garde nationale de sa paroisse ; il ne l’avait rassemblée qu’une fois, pour la procession du Saint-Sacrement. Nous pensâmes que, si le district avait oublié, par peur ou par d’autres motifs, d’appeler notre paroisse à la défense de la ville, comme à l’autre révolte, il n’y avait pas de doute qu’il ne le fît alors, ne fût-ce que pour forcer M. de Lescure et tous les habitants du château à aller au secours de la ville, ou à se faire arrêter, d’autant que nous avions plus de vingt-cinq hommes dans la maison, en état de porter les armes. Nous nous rassemblons tous pour délibérer. On invite M. de la Rochejaquelein à parler le premier comme étant le plus jeune. Il dit avec vivacité qu’il ne portera jamais les armes contre les paysans, ni contre les émigrés, et qu’il aime mieux périr. M. de Lescure parle après lui, dit qu’il pense de même ; qu’il se fera tuer sur place, plutôt que de se déshonorer et de se battre contre ses amis. Tous répètent la même chose, et je dois l’assurer, dans ce triste moment, personne n’imagina un conseil timide. Maman y applaudit ; elle dit : « Vous êtes tous, tous du même avis : plutôt périr que de secourir Bressuire ; c’est le mien aussi, et cela est résolu. » Après avoir prononcé ces mots d’un ton ferme, elle se jette dans un fauteuil en s’écriant : « Il faut donc tous mourir ! » M. Thomassin lui dit : « Madame, moi je me sacrifie ; le seul moyen que je puisse trouver, c’est d’aller demain de grand matin à Bressuire. Peut-être réussirai-je à vous sauver ; peut-être aussi, devenu suspect, parce que je n’ai pas