Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/126

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Henri, ayant gagné la bataille des Aubiers, ne marcha pas sur Bressuire, à cause de la position désespérée des Angevins ; il courut toute la nuit pour en porter la nouvelle à MM. d’Elbée et de Bonchamps, leur amena les canons, toute la poudre qu’il avait prise, et les jeunes gens de bonne volonté qui avaient voulu le suivre. On fit toute la journée des rassemblements en Poitou, en Anjou ; ces paysans réunis reprirent une nouvelle ardeur, livrèrent plusieurs batailles, qu’ils gagnèrent, reconquirent le terrain perdu : à Cholet, Bois-Grolleau, Chemillé, etc. ; je ne sais aucun détail de ces affaires. Dans l’une d’elles, M. de Bonchamps fut légèrement blessé. Il y eut très peu de monde de tué, du côté des Vendéens ; en général, dans toutes les batailles, ceux-ci perdaient au plus un homme contre cinq, et souvent un contre dix, même moins ; quoique cela semble d’abord incroyable, on le jugera très simple après un mot d’explication. Les paysans étaient cachés derrière les haies, et tous éparpillés sans ordre ; à peine les Bleus pouvaient-ils les apercevoir ; quand ceux-ci tiraient, suivant l’usage des troupes de ligne, à hauteur d’homme et sans viser, ils ne tuaient que deux ou trois individus, au lieu que les Vendéens ne tiraient pas un coup sans viser, et, comme les troupes de ligne présentaient un front serré, il était rare qu’un coup de fusil fût perdu. Quand les paysans marchaient en avant pour prendre les canons, si l’on tirait avant qu’ils eussent eu le temps d’y arriver, ils se jetaient ventre à terre, sitôt qu’ils voyaient mettre le feu : la décharge passait au-dessus d’eux et, pendant ce temps, ils couraient à quatre pattes et tuaient les canonniers avant qu’ils pussent tirer une autre fois. À l’arme blanche, nous avions aussi l’avantage, en ce que tous nos soldats marchaient par leur seule volonté, guidés par l’enthousiasme le plus violent, tandis que la moitié des Bleus, surtout au commencement, formés de la garde nationale sédentaire et de nouvelles réquisitions, ne se battaient qu’avec répugnance. [Presque tous nos soldats faisaient un signe de croix avant de tirer un coup de