Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/130

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partirait le lendemain pour se battre contre les Brigands, ou qu’il serait guillotiné à midi ; il partit donc. Il venait beaucoup nous voir et cherchait avec ces messieurs tous les moyens de rejoindre les royalistes. Nous décidâmes cependant M. de Lescure à attendre que nous fussions conduits à Niort, car sa fuite nous ferait massacrer ; il y consentit avec peine, malgré tous les risques qu’il devait courir lui-même en s’échappant.

Je me reprocherais d’oublier deux traits sublimes : la petite paroisse de Beaulieu est très près de Bressuire, on voulut y faire tirer à la milice ; au jour dit, la troupe s’y rend, mais elle n’y trouve que des femmes ; elle assigne au lendemain et prévient que, si les hommes ne se présentent pas, elle brûlera le bourg : non seulement elle n’y trouva pas les hommes, mais pas même une femme ; on mit le feu, et tout lut consumé. La troupe alla ensuite faire la même sommation à la paroisse de Saint-Sauveur, également près de Bressuire ; le lendemain, elle n’y trouva que des femmes et le maire, malgré le terrible exemple de Beaulieu et les menaces de pareil châtiment ; on emmena le brave maire en prison, et on allait mettre le feu au bourg, quand on apprit l’arrivée des Vendéens. On faisait des arrestations toutes les nuits dans la ville ; il n’y avait pas de nobles, mais on enlevait des bourgeois et artisans, aristocrates ou plutôt patriotes modérés (car il n’y avait, pour ainsi dire, pas de royalistes dans la ville) ; on enleva, entre autres, cet honnête maire qui s’était opposé au massacre des prisonniers[1].

Avant de parler de notre délivrance, je ne veux pas oublier un danger nouveau que nous courûmes. On n’avait jamais ouvert nos lettres à la poste, maman en reçut une, d’un prêtre émigré, quatre jours à peu près avant la prise de la ville ; mise à la

  1. On emmena plus de soixante prisonniers, parmi lesquels le maire et l’abbé Gaudouin, aumônier et bienfaiteur de l’hôpital, regardé généralement comme le père des pauvres, auxquels il distribuait toute sa fortune, qui était assez considérable.(Note du manuscrit.)