Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/198

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dans les murs, eût déblayé jusqu’aux ponts : ainsi la plus grande partie des troupes se trouvait inutile au commencement de l’action. Un premier malheur fut la résistance opposée par les patriotes à Nort, petite ville entre Ancenis et Nantes ; on s’y battit dix heures et on s’en empara. Pendant ce temps, les canons de Charette et de Lyrot avaient commencé leurs décharges à deux heures du matin, comme on en était convenu ; les nôtres n’y répondirent qu’à huit heures, les patriotes eurent tout le temps de se rassurer et de prendre des mesures. Le général Beysser[1], ci-devant charlatan, commandait ; le combat dura dix-huit heures, Les Vendéens entrèrent dans les faubourgs. [Nantes allait succomber, les Bleus commençaient à fuir par la porte de Vannes, l’intrépide Cathelineau avait même pénétré dans la ville jusque sur la place de Viarmes, à la tête de quelques centaines d’hommes, la victoire était dans nos mains. Ce fut dans ce moment décisif, que deux accidents firent tout changer de face. Le général en chef fut blessé à mort, d’une façon incroyable : une balle lui entra par le coude, comme il avait le bras levé, et lui tomba dans la poitrine ; les Vendéens désespérés l’emportèrent, abandonnant le faubourg qu’ils avaient enlevé.] Tout fait croire qu’ils auraient pris la ville, malgré la défense des habitants et d’une nombreuse garnison, sans une étourderie impardonnable du prince de Talmond.

On avait résolu dans le conseil de guerre, tenu avec plus de soin qu’à l’ordinaire, de laisser le chemin de Vannes libre, pour permettre aux Bleus de s’enfuir par là et éviter une résistance trop opiniâtre. Bien des gens se défendent jusqu’à la dernière extrémité, s’ils ne voient aucun moyen de fuir, qui abandonneraient leur poste s’ils avaient la possibilité de le quitter, Effectivement, l’après-midi, beaucoup de patriotes commencèrent à filer

  1. Jean-Michel Beysser, né le 4 novembre 1753 à Ribeauvillé en Alsace, avait été chirurgien-major au service de la Compagnie des Indes hollandaises ; général de la République, il fut guillotiné à Paris le 24 germinal an II, 13 avril 1794.