Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/59

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et que la garde de Paris veillât sur le Roi. — Ah ! dit maman, certainement demain on emmènera la famille royale à Paris. — Cela ne se peut pas, le Roi n’y a pas d’appartement, toutes les Tuileries sont démeublées depuis longtemps, excepté l’appartement de la Reine. » Il nous quitta, chacun s’en alla, et on se coucha.

Mon père, ma mère et Mme d’Estourmel[1] furent les seuls du château qui veillèrent ; comme nos fenêtres donnaient sur la rue des Réservoirs, et qu’on découvrait de là la place d’Armes et la cour des Ministres, on y voyait mieux l’agitation du peuple que partout ailleurs du château. On avait fait atteler quinze voitures du Roi à huit heures du soir, afin qu’il pût fuir avec ses gardes ; mais, au lieu de leur faire traverser la place d’Armes et les cours, pour de là gagner la terrasse, ce qui était très facile, toutes les troupes étant alors sous les armes, on leur fit prendre le chemin de la grille du Dragon, par les rues, sans escorte ; le peuple les força à retourner, plusieurs écuyers coururent risque de la vie ; on vint dire à ce pauvre Roi que les voitures ne pouvaient arriver au château ; ainsi il fut trahi encore pour cet objet.

On fit ranger les gardes du corps à cheval sur la terrasse pendant la nuit, et peu après on les fit partir pour Rambouillet.

Sur les cinq heures, maman vit beaucoup de peuple courir avec violence par des mouvements tumultueux ; c’était de loin, elle ne put distinguer ce que c’était ; elle sortit de son appartement avec mon père et Mme d’Estourmel ; ils traversèrent la galerie de l’Opéra pour aller au vestibule de la Chapelle, qui menait à la grande galerie. Ils trouvèrent les portes fermées et

  1. Philiberte-Renée de Galard de Brassac de Béarn, mariée le 30 avril 1776 à Louis-Marie, marquis d’Estourmel, chevalier de Saint-Louis en 1778, grand bailli de la noblesse du Cambrésis, député aux états généraux, lieutenant général en 1792. La marquise d’Estourmel était dame pour accompagner Madame Victoire ; elle mourut le 13 septembre 1824.