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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

de terrains, d’églises ou de presbytères sont déposés entre les mains de l’évêque, de même que les polices d’assurance et tout ce qui concerne l’administration temporelle.

Le curé et son conseil représentent d’autre part et défendraient au besoin les intérêts particuliers de la paroisse. En vertu de la tolérance qui règne dans ce pays, la liberté du culte est absolue : l’État ne s’occupe point de la religion et se contente de percevoir les taxes auxquelles les édifices religieux, en règle générale, sont soumis. Je dois dire que pour ma part je fus toujours exempté de cette sorte d’impôt. En dehors des missions indiennes qui ont des terres dont elles vivent, les paroisses catholiques n’ont, que je sache, d’autres ressources que la générosité de leurs fidèles, ce qui complique quelquefois la situation pour les évêques : tel prêtre, par exemple, plaît aux habitants d’une paroisse, on fournit largement à ses besoins  ; tel autre déplaît, on lui refuse tout, forçant ainsi l’évêque à l’envoyer ailleurs. En fait de fondations pieuses et de revenus fixes, il n’y a rien ou presque rien  ; tout dépend de la quête du dimanche et des jours de fêtes, de la location des bancs et du casuel. À Frenchtown, le groupe canadien suppléait à l’insuffisance de la quête par une fête annuelle dont le produit considérable allait au curé. Sans pressurer personne, je recueillais un millier de dollars, c’est-à-dire 5000 fr. par an  ; j’avais donc de quoi vivre aisément, et pourtant je n’étais pas aussi riche qu’on pourrait le croire : la main-d’œuvre en Amérique est horriblement chère  ; il me fallait un domestique, et je ne pouvais avoir un homme valide et cuisinier passable à moins de 50 dollars ou 250 fr par mois. Je ne me résignai jamais à une pareille dépense, et pour la moitié de cette somme, 25 dollars ou 125 fr. par mois, je me procurai