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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

intéressantes. J’allais de temps en temps à la mission de Saint-Ignace, située dans une vaste plaine bornée au Nord par une des plus pittoresques chaînes de montagnes que j’aie jamais rencontrées. Cette chaîne, avec ses sommets couronnés de neige, ses pics aigus, ses sombres forêts, ses cascades écumantes, se dresse à l’arrière-plan comme un magnifique décor de théâtre.

Les bâtiments de la mission sont considérables  ; c’est d’abord une grande église en pierre, ornée de très belles fresques à l’intérieur  ; puis la maison des missionnaires, ayant les proportions d’un grand collège  ; elle renfermait autrefois une nombreuse et florissante école, que la suppression des subsides du gouvernement a réduite à une poignée d’enfants. À côté de cette construction, s’élèvent deux grands pensionnats de jeunes filles, l’un tenu par les Sœurs canadiennes de la Providence, l’autre par les Ursulines  ; plus loin la ferme et ses dépendances, parmi lesquelles se trouve une scierie mécanique et un moulin dont la meule, venue d’Europe au temps du P.  De Smet, fut la première installée dans ces parages.

En 1906, je me trouvai à Saint-Ignace pour la fête nationale du 4 juillet  ; toutes les tribus de la Réserve, Têtes-Plates, Pend-d’Oreilles et autres, étaient réunies dans un vaste camp que j’allai visiter avec le supérieur de la mission. Au moment de notre arrivée, un cortège peu nombreux, mais d’une grande magnificence, se déroulait le long des tentes. Chose étrange  ! c’étaient quelques familles de Nez-Percés, isolés dans un coin de la Réserve, qui célébraient le grand jour de l’indépendance américaine par une fête et des danses en l’honneur des morts, selon le rituel égyptien. Je fus fort étonné de voir que les jeunes filles de ce cortège avaient le visage peint couleur de safran, exactement comme les figures qui se