Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/167

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faire sortir la fumée par le tuyau et la promènent ainsi sur le malade de la tête aux pieds.

Ils appliquent sur le corps du malade de petites bêtes embaumées, ou des pierres de forme étrange, des limaces pétrifiées ou des serpents faits avec des chiffons. Tous ces objets sont renfermés dans des sacs de cuir bien travaillés et ornés de broderies.

Quand il y a une danse solennelle, les hommes de médecine apportent ces sacs au milieu de la loge et en font un bel étalage. Il y a beaucoup de ces docteurs parmi les Corbeaux et plusieurs ont grande réputation  ; toutefois, en cas de nécessité, tout le monde, hommes et femmes, peut faire office de médecin.

Un jour, arrivé près d’une tente, au moment où je descendais de cheval, j’entendis crier : On fait médecine  ! Cela voulait dire : Vous ne pouvez pas entrer. Je dis alors à l’homme de médecine qui se tenait à 1 intérieur : «  Moi aussi je suis médecin, et je désire entrer pour voir comment vous faites.  » Il me répondit : «  Entrez  !   » et j’entrai. Je vis là un tout jeune homme malade de consomption, couché par terre, le médecin assis à côté de lui, et une vieille femme accroupie à ses pieds. Le médecin avait près de lui un seau d’eau, et tenait à la main une baguette à l’extrémité de laquelle étaient fixés quelques poils de buffalo. De temps en temps il plongeait cette espèce d’aspersoir dans le seau et le secouait sur le corps du patient qui faisait mille contorsions. Le vieux docteur appliquait ses lèvres sur le côté du jeune homme, suçait la chair, puis avec deux doigts il tirait quelque chose de sa bouche, le mettait soigneusement dans la main de la vieille qu’il fermait aussitôt. Il répéta plusieurs fois cette opération, mettant toujours dans la main de la femme ce qu’il prétendait tirer du corps du malade. Sai-