Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/195

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beaucoup de chevaux, il promit, s’il guérissait, d’acheter la pipe. Il guérit et l’acheta pour trente chevaux.

» Parmi nous, lorsque quelqu’un est malade, il prend tous les remèdes des docteurs indiens ou blancs, et si malgré cela il ne guérit pas, il calcule de combien de chevaux il peut disposer. Est-il pauvre, il se dit : Si je guéris, j’irai trouver le possesseur de la pipe, je lui demanderai de me la laisser fumer quelques instants, et je lui donnerai deux ou trois chevaux. Est-il riche, il tâche d’acheter la pipe. Nous Indiens, nous faisons comme vous, Robe Noire : à l’église, vous brûlez des parfums et vous encensez les objets qui sont sur l’autel. De même quand un malade guérit et qu’il va ou fumer la pipe ou l’acheter, nous bridons des herbes odorantes, et nous encensons la pipe en priant. — Parfait ! repris-je ; vous dites que vous encensez la pipe comme nous encensons les objets qui sont sur l’autel, soit. Mais il y a une différence : sur l’autel nous avons le crucifix ou l’image de la Madone, et quand nous encensons ou que nous prions ces images, notre encens et nos prières vont à Jésus et à Marie dans le ciel ; tandis que vous, lorsque vous encensez la pipe, votre encens s’adresse à la pipe elle-même. » Alors Collier-Noir, un de mes interlocuteurs, après un moment de réflexion, répondit : « Toutes nos médecines viennent du Soleil ; c’est Payi-Cicatrice qui alla visiter le Soleil et nous instruisit à son retour. Quand nous encensons la pipe, notre encens monte vers le Soleil et nous le prions de nous secourir et de nous conserver heureux et bien portants. — Vous croyez, leur dis-je, que Payi a été jusqu’au Soleil ? S’il avait été là, certainement il n’en serait jamais revenu ; car le soleil est tout de feu et n’est pas un homme. »

Les Indiens ne surent que répondre ; pensant que cela