Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/199

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femmes de ma parenté voulurent aller au pied de la montagne cueillir des fruits sauvages ; mais elles avaient peur des ours et me demandèrent de les accompagner. Malgré mon chagrin, je partis avec elles ; pendant qu’elles faisaient leur cueillette, j’étais assis sur un tertre et regardais autour pour voir s’il ne venait pas d’ours. Bientôt j’en aperçus un dans la brousse, à la distancé d’environ cinq cents pas, qui mangeait des fruits sauvages. Lui ne me voyait pas, car les ours ont la vue faible, mais l’ouïe et l’odorat très fins. Je m’avançai contre le vent, cherchant à m’approcher de lui. Quand je ne fus plus qu’à une centaine de pas, je préparai mon fusil ; puis je m’avançai, les yeux fixés sur l’ours, prêt à tirer, s’il se levait. J’étais à pied, mon cheval derrière moi, la bride autour de mon bras. L’herbe était haute, je voulais me rapprocher le plus possible de l’animal pour lui tirer mon coup de fusil dans l’oreille et le renverser à terre avant qu’il ne pût se jeter sur moi. J’avançais les yeux fixés sur l’ours, sans regarder où je mettais le pied. Tout à coup, baissant les yeux, j’aperçois à trois pas de moi un petit ourson qui dormait sur l’herbe, le museau sur ses pattes de devant. S’étant éveillé, il me fixa, je le fixai, je tirai, je lui fracassai la mâchoire et il roula à terre en hurlant. À ce moment précis je vis devant moi, en ligne et debout sur leurs pattes de derrière, quatre ours : deux petits et deux grands. Je n’avais que sept cartouches. À la vue des quatre ours, je ne songeai point à fuir ; au contraire mon cœur se raffermit : je tirai sur le premier et il roula dans l’herbe ; je tirai sur le second et il tomba ; je tirai sur le troisième qui était le père, et il s’abattit blessé ; je tirai sur la quatrième qui était la mère, et la blessai au flanc : mais elle ne tomba point, elle regardait du côté opposé et me tournait le dos. Alors je criai : elle se re-