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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

en tête à tête avec la personne qui composait tout son auditoire et qui très probablement était sa femme. Après cela plaignons-nous de prêcher quelquefois dans des églises presque désertes  !…

L’église de la Trinité, dont la flèche cependant a 286 pieds de haut, semble enterrée au milieu des constructions colossales qui l’entourent et qui la dominent de toutes parts. Ces immenses maisons sont vraiment la principale, je dirais presque la seule curiosité de New-York. On les appelle à cause de leur hauteur des «  gratte-ciel  » (sky scrapers)  ; elles semblent en effet menacer le ciel et le déchirer de leurs crêtes orgueilleuses. Chacune d’elles renferme tout un monde  ; à la porte d’entrée une carte topographique vous détaille le plan des vingt ou trente étages qui composent cette ruche immense. Les ascenseurs sont là, prêts à vous enlever  ; un concierge-chef vous avertit de sa voix stridente : «  les voyageurs pour le Nord-Ouest ou le Sud-Est, ascenseur n° 7, n° 15  »   ; on se précipite et le train part dans la direction indiquée. Une de ces maisons, le «  city investing building  » n’a pas moins de 21 ascenseurs pour ses 34 étages  ; elle a 486 pieds de haut, couvre 13 arpents de surface et peut loger 6000 personnes. La raison de ces hauteurs démesurées est que sur la langue de terre qui forme l’île étroite de Manhattan le terrain manque pour cette immense population : en 1900 la ville de New-York comptait déjà 3.637.202 habitants, dont 800.000 juifs et 400.000 Italiens  ; elle doit avoir depuis longtemps dépassé quatre millions. À mon avis, la merveille de New-York était alors le pont de Brooklyn. Je l’avais souvent vu représenté sur des gravures ou des photographies  ; je croyais trouver là une sorte de galerie artistique, où les paisibles promeneurs