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Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/28

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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

dés de voyageurs, allant de New-York à Brooklyn ou de Brooklyn à New-York. Cette course vertigineuse de trains et de cars, ce bruit d’acier, strident et continu, me causaient une sorte de vertige, et je me crus tombé dans un de ces cercles de fer et de feu si puissamment décrits dans l’Enfer du Dante. La scène sous le pont n’était pas moins animée : une suite non interrompue de navires, voguant toutes voiles déployées, de remorqueurs aux roues tapageuses, de lourds paquebots déchirant l’air du bruit de leurs sirènes, de chaloupes à vapeur s’élançant d’un bord à l’autre, et de barquettes dansant sur la crête des vagues.

Saturé de bruit et de mouvement, je m’arrêtai à mi-chemin de Brooklyn et revins sur mes pas vers New-York. La ligne bizarrement déchiquetée des monstrueuses maisons de la ville se dressait devant moi, enlaidie par des tourbillons d’une fumée extraordinairement noire et épaisse dont je ne m’expliquais pas la cause. Je sus plus tard qu’à ce moment une grève générale sévissait dans les mines d’anthracite de Pennsylvanie, et que cette fumée intense provenait de la mauvaise qualité du charbon substitué à l’anthracite.

Le mardi 30 septembre, je prenais avec mes deux compagnons, à la station centrale de New-York, l’express de 8 h. 45 du matin, qui devait en 24 heures nous conduire à Chicago, notre première étape : distance 1200 kilomètres.

Ce serait peut-être le cas de dire ici un mot du matériel des chemins de fer américains. Les wagons sont ouverts dans toute leur longueur et partagés en deux par