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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

cocher, sacristain, organiste, sonneur de cloche et fossoyeur.

Le dimanche venu, je dis selon l’usage une messe basse à 8 h. 1/2, puis à 10 h. 1/2 je chantai la grand’messe. On était accouru de toutes parts pour voir le nouveau curé  ; d’ailleurs il faut le dire à leur louange, les Canadiens n’hésitent pas à faire dix ou douze milles pour assister aux offices. Je trouvai à la sacristie une petite troupe d’enfants de chœur fort bien dressés à servir à l’autel  ; mais je ne pouvais compter sur eux en semaine, et pendant plusieurs années, en dehors du dimanche, je dus dire la messe sans servant.

Ayant entonné l’Asperges, je fus agréablement surpris d’entendre à la tribune un chœur bien nourri de voix d’hommes et de femmes continuer le chant liturgique, avec accompagnement d’harmonium : l’organiste n’était autre que Polyte et le premier chantre, un certain M. Lafleur. Remarquons en passant qu’un grand nombre de Canadiens portent des noms comme ceux-ci : Lafleur, Ladouceur, Lagrandeur, etc., et l’on sait que le héros d’Évangéline, le poème bien connu de Longfellow, s’appelait Gabriel La jeunesse. Je fus en même temps ravi de voir que le plain-chant, était en honneur à Frenchtown où l’on n’exécutait guère que des messes de Dumont, le chœur alternant avec un soliste. En me retournant du haut de l’autel, je remarquai non sans étonnement que les hommes étaient en majorité dans l’assistance, au rebours de ce qui se voit d’ordinaire chez nous. Les femmes aussi étaient nombreuses, mais on comprend qu’à de si grandes distances, il leur soit parfois difficile de venir à cause de leurs petits enfants. Le plus grand recueillement régna toujours dans notre église pendant les offices, et plus d’une fois, n’entendant aucun bruit, je fus tenté