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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES


Mes visites à Saint-Régis me furent toujours particulièrement pénibles  ; je n’avais aucune prise sur ces ouvriers, profondément indifférents à toute espèce de religion  ; de plus, le milieu dans lequel je me trouvais, rappelait par trop la barbarie du Far-West. J’habitais un soi-disant hôtel, baraque en bois, dont les chambrettes n’étaient séparées que par l’épaisseur d’une planche  ; les objets les plus indispensables manquaient : le lavabo commun à tous offrait à tous le même peigne et la même brosse à dents  ; les punaises abondaient. Le site en revanche était magnifique  ; les montagnes à cet endroit forment un cirque grandiose, que la Missoula, devenue un grand fleuve, parcourt avec majesté en se dirigeant vers le Nord. Nous la quittons ici pour remonter le long de la rivière Saint-Régis, à travers un paysage sévère, jusqu’à la ligne de faîte de la chaîne des Cœurs d’Alène. Une gorge étroite, longue de 19 kilomètres, s’ouvre devant nous  ; la rivière ou plutôt le torrent Saint-Régis y bondit avec fracas, laissant à peine un étroit passage au train. Enfin voici de Borgia.

De Borgia est une agglomération de quelques maisons seulement, où viennent s’approvisionner les mineurs de ces montagnes, riches en minerais de toutes sortes. Je, visitais plus souvent ce poste que les autres  ; j’y avais bâti une petite église, et là seulement je pouvais célébrer avec décence. J’avais eu à cœur de planter la croix dans ces solitudes où elle n’apparaissait nulle part. Sur un parcours de 160 kilomètres, c’est-à-dire de Frenchtown jusqu’à l’extrémité de la paroisse, je n’avais découvert en arrivant aucun signe religieux. Il fallait combler cette lacune et une croix blanche d’assez grandes dimensions s’éleva bientôt au-dessus du portail de ma modeste église, dominant ainsi les environs. Lorsque vint le moment de