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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

loi, le choix de l’heure à laquelle il devait être pendu  ; il répondit : «  Quand la cloche de l’église catholique sonnera. » Ainsi fut fait, et je vous assure que ce n’est point sans une poignante émotion que le Frère qui sonnait l’Angélus ce matin-là, mit en branle sa cloche, sachant quel drame à ce moment précis se déroulait dans la prison.

Ceci me rappelle le trait suivant : un condamné allait être exécuté  ; selon l’usage, on lui demanda ce qu’il désirait : un cigare, un verre de brandy ?… Il répondit : « Chantons ensemble le cantique du Sauveur  ; » c’est un cantique très doux, très pieux, très mélodieux : « Jésus, Sauveur de mon âme, recevez-moi à ma dernière heure  ! » et l’on vit le shérif, le bourreau, les journalistes et le condamné, tête nue, chanter ensemble sur l’échafaud la suave poésie de Wesley.

Il arrive quelquefois, surtout dans les États du Sud, que la foule impatiente et surexcitée exécute elle-même les condamnés à mort, lorsqu’elle craint que le coupable n’échappe au châtiment grâce à l’habileté de son avocat : c’est ce qu’on appelle la loi de Lynch, ou comme nous disons le lynchage. Pour la première fois dans les États du Nord un fait pareil se produisit à quelques milles de Missoula.

Hamilton est une petite ville, chef-lieu du comté de Ravalli ainsi nommé en souvenir du bon Père Jésuite Ravalli, à la fois missionnaire et médecin, l’apôtre de cette contrée. Dans cette ville de Hamilton, le brutal assassin d’un jeune enfant avait été condamné à être pendu tel jour par la sentence  ; dans l’intervalle, un juriste retors avait trouvé un biais pour différer l’exécution. Les gens du pays, indignés (car le coupable avait dû avouer son crime), résolurent de se faire justice eux-mêmes. Au jour fixé par le juge pour l’exécution, une centaine