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INTRODUCTION. — CHAPITRE I.

rialiste au scepticisme s’explique sans peine. Tout occupés de leurs recherches physiques, les premiers philosophes ont bientôt reconnu l’insuffisance de l’expérience sensible ; mais leur confiance naïve dans la raison n’a pas été ébranlée. Cependant la diversité des résultats auxquels ils sont arrivés devait mettre leurs successeurs en défiance ; et des esprits déliés ne devaient pas tarder à comprendre que l’on peut diriger contre la raison elle-même des arguments analogues à ceux qui ont ruiné la confiance d’abord accordée aux données des sens. Les premiers philosophes se sont arrêtés à mi-chemin ; les sophistes iront plus avant.


II. Nous n’avons pas à faire ici l’histoire de la sophistique, ni à chercher les causes qui en favorisèrent l’apparition à Athènes ; notre tâche est uniquement de marquer les rapports qui existent entre les sophistes et les sceptiques de l’école pyrrhonienne, et comment les premiers frayèrent la voie aux seconds.

Les faux savants qu’on désigne sous le nom de sophistes furent très nombreux ; les seuls dont nous ayons à nous occuper sont Protagoras et Gorgias. Les autres, en effet, tout en parlant et en agissant comme s’il n’y avait point de vérité, ne paraissent guère s’être attachés à déterminer les raisons théoriques de leur doute. Leur scepticisme est surtout pratique ; ils songent à l’exploiter, bien plutôt qu’à l’expliquer. Tous les sophistes, mais surtout ceux de la seconde période, furent avant tout des professeurs de rhétorique, de politique, de n’importe quelle autre science, ou plutôt de n’importe quel art ; ils auraient cru perdre leur temps et leur peine s’ils s’étaient attardés à démontrer que rien n’est certain. Cette assertion est de bonne heure prise par eux comme un axiome qu’on ne discute plus. Ils ne s’arrêtent pas aux principes ; ils courent aux applications. Si la dialectique a une si grande importance à leurs yeux, c’est uniquement à cause des services qu’elle peut rendre à la tribune ou au tribunal ; si les disciples se pressent autour d’eux, c’est